Laurence Lemarchal : « Sous ton regard »Le combat de Grégory continue Depuis la disparition de son fils, Laurence Lemarchal ne vit plus que pour la vie des autres personnes atteintes de mucoviscidose. Elle lutte de toutes ses forces avec son mari, Pierre. Ensemble, ils ne veulent pas que cette maladie lâche arrache encore des enfants à leurs parents.
Avec courage, elle a écrit « Sous ton regard » (Éditions Michel Lafon), un livre qui raconte avec réalisme et pudeur les souffrances, les difficultés, les luttes incessantes, mais aussi les rêves de leur fils Grégory. Un livre d’espoir, mais aussi un ouvrage qui permet de lever un coin du voile sur le quotidien des personnes atteintes de cette maladie génétique grave. A travers elles, à travers ce livre, c’est Grégory qui vous parle.
http://www.association-gregorylemarchal.com/
Propos recueillis par Maxime QuentinLaurence, vous revenez en force pour combattre la mucoviscidose avec le livre « Sous ton regard », dont les bénéfices iront à l’Association Grégory Lemarchal…C’est vrai. L’idée de ce livre est justement née au fil de mes visites dans les hôpitaux auprès des patients, de leurs familles, du corps médical. Toujours, on m’y posait les mêmes questions : comment Grégory a-t-il pu gérer tout ça ? Comment a-t-il réussi à faire ce parcours avec cette fichue maladie ? Je me suis dit que la meilleure manière de répondre au plus grand nombre était d’écrire notre histoire. Ce livre raconte comment Grégory a surmonté tous les obstacles pour accéder à son rêve, mais surtout, à travers lui, le courage qu’il faut à toutes les personnes atteintes de mucoviscidose, et à leurs proches, pour affronter le quotidien. Je n’ai fait qu’expliquer ce que Gregory avait lui-même envie de dire de son vivant. La mucoviscidose ne lui en a pas laissé le temps, alors écrire ce livre, c’était comme donner la parole à mon fils. J’ai mis une bonne année à coucher ces mots sur le papier.
C’est donc à la fois une façon de donner un sens à la mort de votre fils et un espoir à tous ceux qui sont lâchement atteints de cette maladie ?Vous avez tout à fait raison. C’est un message d’espoir pour les jeunes, et pour les familles qui ont des enfants concernés. Il ne faut jamais baisser les bras. La recherche avance. Aujourd’hui, l’espérance de vie est beaucoup plus importante qu’il y a vingt-cinq ans, lorsque la maladie a été diagnostiquée chez Grégory. Et nous sommes intimement persuadés qu’un jour ou l’autre nous vaincrons cette saloperie. Alors, oui, ce livre est une source d’espoir, mais aussi une façon de faire prendre conscience au plus grand nombre de ce qu’est réellement la mucoviscidose : une maladie qui ne se voit pas mais qui est pourtant mortelle. J’espère simplement contribuer à ce que cela se sache.
Votre livre s’ouvre sur le bonheur de Grégory et sa belle aventure à la Star Academy. Selon vous, même s’il a dû fournir beaucoup d’efforts dans cette émission, la Star Ac a apporté enchantement et adoucissement à Gregory ?Bien sûr. D’ailleurs, dans le livre, je dis que TF1, Universal et Endemol ont sauvé mon fils. Quand il a su qu’il était pris à la Star Ac’, ce fut une immense joie. Il recommençait à vivre. En fait, il jouait sa vie. La chanson représentait pour lui bien plus que tout ce que l’on peut imaginer. Grégory a même grossi de 4 kilos pendant les 4 mois de l’émission. Pour quelqu’un qui est atteint de mucoviscidose, croyez-moi, c’est très difficile de prendre du poids, et surtout en si peu de temps. Les médecins n’en revenaient pas.
Votre livre est bouleversant. On y apprend que votre vie auprès de Grégory, loin des médias et des fans, n’était pas toujours aussi heureuse une fois le rideau tombé…C’est justement ce qu’on a voulu montrer : comment la mucoviscidose envahit le quotidien. Les soins prennent beaucoup de temps dans une journée, et ils coûtent cher, car de plus en plus de médicaments ne sont pas totalement remboursés par la sécurité sociale. Sans oublier les nombreux compléments nutritionnels, pourtant nécessaires, qui ne sont pas du tout pris en charge. Ce coût financier affecte beaucoup le budget de ménages dont la vie n’est déjà pas simple à cause de la maladie… c’est terrible !
Voilà aussi pourquoi l’Association Grégory Lemarchal est présente. Pour qu’on ne laisse pas ces familles-là sombrer dans la difficulté.
Dans votre livre, on entre réellement dans les coulisses de la vie de Grégory Lemarchal, sans langue de bois ?Oui, c’est une mise à nu. On y parle des soins, et même du nombre de cachets que Grégory devait prendre chaque jour, pour donner une idée précise aux gens. Les personnes qui ne sont pas confrontées à cette maladie ne peuvent pas comprendre le combat très difficile, chaque instant, des « muco » et de leurs parents.
C’est un combat permanent ?Exactement. La mucoviscidose ne fait jamais de pause. Il n’y a pas de vacances avec elle ! Et même si vous avez envie de relâcher un petit moment parce que c’est épuisant, vous savez que c’est impossible. C’est une question de survie. Il faut se plier aux deux heures minimum de soins par jour, si tout va bien, aux quatre ou cinq heures de soins en périodes délicates. Vous avez besoin de prendre un nombre important de cachets, de faire des aérosols, de la kinésithérapie respiratoire plusieurs fois dans la journée et, régulièrement, des cures d’antibiotiques en perfusion, longues au moins d’une quinzaine de jours. Cela ne laisse pas beaucoup de place pour le reste. Les personnes atteintes de mucoviscidose ont une force en eux vraiment incroyable.
Selon vous, quand il chantait, Grégory était ailleurs ?Le seul moment où il ne se sentait pas malade, c’était sur scène, sa deuxième maison, quand il chantait. En coulisses, c’était une autre histoire. Entre deux chansons, il devait souffler et se débarrasser du mucus qui encombrait ses bronches. Pierre était toujours là, derrière le rideau, lui tendant une serviette pour qu’il se protège du froid et l’aider. Grégory devait aussi éviter de se trouver en contact avec des personnes malades, pour ne pas être contaminé. Celles-ci, qui voulaient soit une dédicace soit une photo en sa compagnie, ne comprenaient pas toujours. Mais vous savez, je rencontre beaucoup de jeunes patients qui sont comme Grégory, qui ont la même force, la même maturité et la même sagesse. C’est souvent leur philosophie de vie.
On découvre aussi dans votre livre que Grégory se projetait souvent dans le futur, tant professionnel que privé…Oui, autant l’un que l’autre. Il travaillait avec ferveur sur son deuxième album, et avait même écrit plusieurs textes. Sur le plan personnel, il comptait se marier avec Karine, et souhaitait avoir un enfant. Il en avait même discuté avec son médecin. Il avait beaucoup d’espoirs pour le futur, parce que la recherche fait de grands progrès, mais aussi grâce à la perspective d’une greffe pulmonaire, qui peut offrir plusieurs années de vie supplémentaires. Cela reste une opération délicate, mais c’est la seule solution connue pour prolonger la vie des personnes atteintes de mucoviscidose. J’en connais qui ont été greffés il y a huit ans déjà et qui vivent beaucoup mieux qu’avant.
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour révéler dans un livre les combats de Grégory, mais aussi vos combats personnels et vos douleurs ?Je n’étais pas prête. Ce n’était pas facile de relater tant de souvenirs. Et puis j’aurais tellement préféré que ce soit Grégory qui raconte sa réalité. J’entends toujours mon fils me dire : «
Maman, il faut que les gens sachent, parce que c’est une maladie qui ne se voit pas. Les gens ne peuvent pas s’imaginer ! Il faut les informer. Il faut leur dire la dureté de cette p***** de maladie ».
Vous savez, la mucoviscidose est la maladie génétique grave la plus fréquente. Il me disait aussi : «
Mais pourquoi on n’en parle pas à la télé ? Il y a le Sidaction, le Téléthon, il n’y a rien pour la mucoviscidose ».
Voilà pourquoi, aujourd’hui, on se bat au maximum. Tant qu’on nous donnera la parole, nous la prendrons.
Avez-vous failli, par moments, renoncer à cet ouvrage qui a fait renaître autant de bonheurs que de douleurs ?Non, jamais. C’est une marque de famille : lorsque l’on prend une décision, on va jusqu’au bout. C’est vraiment profond. Je voulais écrire un livre qui, je l’espère, puisse être utile.
La mucoviscidose ne fait jamais de pause, vous l’avez dit. Bien au contraire, elle ne cesse de malmener sa victime ! Avec l’énergie et la force qu’il dégageait à l’aube de ses 24 ans, Grégory paraissait invulnérable. Pourtant, il était aux portes de la mort.
Il gardait le sourire avec une force incroyable. Nous avons tous cru à la greffe des poumons. Et jusqu’au bout, avec lui qui se sentait invincible, nous étions convaincus qu’il s’en sortirait. Pour moi, il était impensable que Grégory ne reçoive pas ce greffon. Grégory avait la rage contre cette maladie. Nous étions certains qu’il allait un jour témoigner contre elle, et de surcroît parler de ce don d’organes, très important, expliquer… Oui, nous y avons cru jusqu’au bout.
Au point de prier pour qu’une personne décède. C’est une terrible révélation contenue dans votre livre !Oui, c’est vrai. Je dirais même que c’est horrible. Mais je suis une maman, qui voulait que son fils vive. Une maman prête à tout pour sauver son petit. J’ai été voir les médecins pour qu’ils prennent mes poumons. Aujourd’hui, c’est mon fils qui devrait être présent pour parler du don d’organes. Il n’y aurait pas eu meilleur messager que lui.
Vous révélez aussi que votre fils a dit : « J’ai signé le plus beau contrat de ma vie en acceptant une greffe ».Là, on croyait vraiment qu’il aurait le temps d’attendre, que le greffon arriverait...
Mais comment arrivait-il à cacher tant de souffrances ?Grégory possédait une force de caractère incroyable. Il ne voulait pas faire pleurer les téléspectateurs ou son public. Il voulait les faire voyager à travers ses chansons. L’amour du public l’a beaucoup aidé.
Aujourd’hui, vous êtes co-fondatrice de l’Association Grégory Lemarchal. Votre quotidien, c’est quoi ?Mon quotidien, c’est de passer mes journées sur les routes de France afin d’aller dans les hôpitaux, pour recenser les besoins de tous, qui diffèrent souvent d’un hôpital à un autre, et proposer notre aide. Nous ne travaillons pas seuls dans notre coin, mais bel et bien en harmonie avec le corps médical. Cela va de l’achat de matériel de loisirs, par exemple des ordinateurs, à la rénovation complète d’un service de pneumologie.
L’Association met en place également des aides individuelles, en direction des patients qui ont des difficultés financières, qu’il s’agisse par exemple de payer leurs médicaments qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale ou leurs frais de déplacement vers les établissements hospitaliers. Et puis les séjours à l’hôpital pouvant varier d’une journée à plusieurs semaines, voire plusieurs mois, nous nous battons aussi pour que l’accès à la télévision et à Internet soit gratuit pour tous, et ainsi ouvrir en permanence une fenêtre sur le monde extérieur, sortir les patients les plus démunis de leur isolement. La maladie est suffisamment injuste comme cela pour qu’on admette cette discrimination supplémentaire par l’argent.